Modern Languages and Literatures, Department of

 

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2021

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23 Published in Lydie Salvayre, maintenant même, ed. Warren Motte (Lincoln, NE : Zea Books, 2021). doi: 10.32873/unl.dc.zea.1282

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Copyright 2021 Lydie Salvayre et Warren Motte

Abstract

WM : Tout d’abord, puisqu’il s’agit ici d’une conversation, j’aimerais vous demander ce que vous pensez du principe. Beaucoup de vos livres, surtout au début de votre carrière (je pense par exemple à La Déclaration, à La Vie commune, à La Puissance des mouches, à La Compagnie des spectres) sont monologiques. Dans La Conférence de Cintegabelle, livre strictement monologique, le conférencier prône les vertus de la conversation— et cependant il fait tout pour tuer dans l’oeuf toute possibilité de dialogue. Comment voyez-vous la chose ?

LS : Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours eu des difficultés à prendre la parole. Comme vous le savez, mes parents qui étaient arrivés en France en 1939 pour fuir le franquisme parlaient une langue mixte et transpyrénéenne où le français était régulièrement piétiné, bousculé, estropié, bref mis à très rude épreuve. Le problème c’est que je reproduisais, enfant, leurs fantaisies et écarts langagiers, et que j’éprouvais une honte affreuse chaque fois que j’étais prise en défaut de mal dire. Ce n’est que plus tard, bien plus tard, que j’ai trouvé à ce mal dire transmis par mes parents, une puissance poétique, une drôlerie, une forme d’impertinence et une façon joyeuse de résister à la langue majoritaire dont j’ai tenté de rendre compte dans mon roman Pas pleurer.

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